Mémoire : pourquoi le cerveau ne retient pas nos souvenirs de petite enfance ?

05/11/2014 21:07

Durant notre enfance, l'apparition de nouveaux neurones n'a pas l'effet que l'on croit : au lieu d'augmenter nos capacités de mémorisation, ils effaceraient les souvenirs déjà constitués. Tout cela dans le but de faire de la place aux prochains.        

 Mais pourquoi sommes nous incapables de nous souvenir de notre premier anniversaire ou de nos premier pas ? L'amnésie infantile est un phénomène qui intrigue les chercheurs depuis de nombreuses années. Cette expression désigne l'absence de souvenirs avant l'âge de deux ans, et leur relative pauvreté jusqu'à l'âge de 6 ans. Avez-vous déjà partagé cet article? Partager sur FacebookPartager sur Twitter Facebook Twitter Une équipe de chercheurs canadiens pense avoir trouvé une explication à ce trou de mémoire. L'amnésie infantile serait en fait liée à l'activité de l'hippocampe, une zone du cerveau jouant un rôle important dans la formation de la mémoire. Lorsque de nouveaux neurones se développent dans l'hippocampe - c'est ce que l'on appelle la neurogénèse - ils effaceraient les informations préalablement mémorisées. Des neurones qui effacent les souvenirs C'est durant les premières années de notre vie que la neurogénèse est la plus active, c'est ce qui expliquerait que ce sont nos souvenirs les plus anciens qui soient effacés. "Cette trouvaille a été très surprenante pour nous. La plupart des gens pensent que de nouveaux neurones impliquent une meilleure mémoire", explique Sheena Josselyn, neuroscientifique à l'Hospital for Sick Children de Toronto, citée par The Scientific American. Concrètement, les nouveaux neurones effaceraient les premiers souvenirs pour faire de la place aux suivants. "Un plus grand nombre de neurones permet d'augmenter les capacités de mémorisation dans le futur. Mais la mémoire est basée sur un circuit, donc si vous ajoutez des éléments à ce circuit, il est logique que cela le perturbe", ajoute Sheena Josselyn.

C'est en menant des tests sur des souris que la chercheuse et son mari, Paul Frankland, sont arrivés à cette conclusion. Ils ont instillé des souvenirs dans le cerveau de jeunes souris ainsi que d'adultes. Il leur ont appris à avoir peur d'un endroit, en y associant de légers chocs électriques. Les plus jeunes souris n'ont retenu la leçon que pendant une journée, alors que les plus âgées s'en sont rappelé durant plusieurs semaines.  Mais en réduisant chimiquement et génétiquement la croissance de nouveaux neurones dans l'hippocampe des jeunes souris, il se sont rendus compte que leur mémoire s'en est trouvée accrue. Au contraire, en stimulant la production de neurones chez les souris adultes par le biais de l'exercice physique, les chercheurs ont affaibli la persistance du souvenir, d'après l'étude publiée dans la revue Science.

Une hypothèse de plus pour expliquer l'amnésie infantile L'amnésie infantile a suscité de nombreuses recherches et hypothèses dans le monde de la psychologie et de la neurobiologie. Pour certains chercheurs, nous serions incapables de mémoriser les événements survenus durant les premières années de notre vie car à cette époque, nos capacités linguistiques et émotionnelles ne sont pas assez développées. Cela signifie que pour mémoriser un événement, il faut être capable d'y associer des émotions et de mettre des mots dessus.Sigmund Freud s'était également intéressé à cette question. Pour lui, nous oublierions nos souvenirs pour réprimer les traumatismes de notre enfance. L'étude de l'implication de la neurogénèse dans l'amnésie infantile devrait permettre de mieux comprendre le phénomène sans remettre en question les hypothèses déjà émises. Pour Mazen Kheirbek, spécialiste de la neurogénèse à l'Université de Columbia, le schéma proposé par Sheena Josselyn est très convaincant.Mais selon lui, ce ne serait pas les nouveaux neurones qui effaceraient les souvenirs, mais plutôt le fait d'apprendre et mémoriser de nouveaux éléments. "Peut-être que l'oubli que l'on observe ici est dû à la capacité accrue à apprendre de nouvelles choses. Il y a un compromis à faire ici, préserver les anciens souvenirs peut empêcher de s'en faire de nouveaux", explique Mazen Kheirbek.

 Des pertes de mémoire pas si mauvaises ? 

 Dans tous les cas, pour Paul Frankland, co-directeur de l'étude, les pertes de mémoire ne sont pas forcément mauvaises. Dans certains cas, l'oubli est même bénéfique pour le cerveau et la mémoire. "Certains types d'oublis sont importants pour la mémoire. Elle a une capacité limitée", rapporte Vox. "Nous nous débarrassons de toutes les choses inutiles pour ne retenir que les événements et détails importants", poursuit le neurobiologiste. Bien sûr, les résultats obtenus par les scientifiques ne sont valables que pour les éléments étudiés, les rongeurs. Mais les cerveaux des différents mammifères étant relativement similaires, les chercheurs pensent que le même mécanisme peut tout à fait se produire dans le cerveau humain.
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