Dr Landman : «L'hyperactivité existe, pas le TDAH»

19/02/2015 10:25

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Dr Landman : «L'hyperactivité existe, pas le TDAH»     figaro iconPar Soline Roy - le 11/02/2015    

         

                     INTERVIEW - Psychiatre et psychanalyste, le Dr Patrick Landman préside Stop DSM. A l'occasion de la publication des  recommandations de la HAS , l'auteur de  Tous hyperactifs ?  (Albin Michel) met en garde contre une épidémie créée de toutes pièces, selon lui, par la société et l'industrie pharmaceutique.                 

LE FIGARO. - «Le TDAH (trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité) n'existe pas», écrivez-vous...

Dr Patrick LANDMAN. - Il n'existe pas scientifiquement: rien n'a été découvert, ni en génétique, ni en biochimie, ni en imagerie. Ceux qui prétendent que c'est une maladie neurodéveloppementale prennent leurs hypothèses pour une réalité. Cela part d'un triptyque infernal: on a considéré que des comportements jugés anormaux étaient d'origine psychiatrique, donc venaient du cerveau, donc qu'un déséquilibre chimique devait être corrigé. Le TDAH existe au sens d'une construction sociale: trois types de comportements (hyperactivité, troubles attentionnels et impulsivité) ont été regroupés car ils sont la cible d'une molécule qui marche à court terme.

Le TDAH serait donc né avec la découverte du méthylphénidate, plus connu sous le nom de ritaline?

Le regroupement de ces trois symptômes date de la mise sur le marché de la molécule. Le rôle des amphétamines était connu depuis 1937, mais on a vite arrêté d'en donner aux enfants à cause de leurs effets secondaires. Puis on a découvert cette amphétamine «light», et à l'hyperactivité on a ajouté l'attention pour cibler les filles et l'impulsivité pour cibler les adolescents. Tout cela n'est rien de plus que du psycho-marketing!

Mais les trois symptômes sont pourtant une réalité...

Ils existent et sont parfois liés, mais cela ne fait pas une maladie. On les rencontre chez des gens très divers, des épileptiques, des surdoués, des enfants avec des difficultés sociales... Une étude américaine a montré que l'une des causes des troubles de l'attention est le temps passé devant les écrans ; un enfant peut être étiqueté TDAH alors que des mesures éducatives pourraient suffire.

Quelle doit alors être la place du méthylphénidate?

Lorsque vous prenez une aspirine pour faire baisser votre fièvre, cela fonctionne mais vous n'en déduisez pas que vous aviez un déficit en aspirine! C'est la même chose avec le méthylphénidate: il ne guérit pas, il marche, ce qui n'est pas la même chose. En psychiatrie, les médicaments ont leur place, mais pas toute la place. Le méthylphénidate peut être utile car il permet d'offrir un répit à l'enfant et à son entourage. Mais à condition de faire un vrai diagnostic qui tienne compte du contexte. Ne voir l'enfant qu'une fois par an pour renouveler la prescription ne sert à rien: il faut profiter du répit qu'apporte le médicament pour soutenir l'enfant, éventuellement prendre des mesures sociales ou éducatives, etc.

Craignez-vous que le nombre de diagnostics augmente en France?

Je prédis que l'on va avoir une épidémie de TDAH. Les recommandations de la HAS ont beaucoup de qualités mais sont trop compliquées: les généralistes n'auront pas le temps de recevoir longuement les gens et risquent de surdépister le TDAH. D'autres acteurs sociaux sont aussi en cause. Aux États-Unis, un enfant noir vivant dans un logement exigu avec des problèmes sociaux a 6,5 fois plus de chances d'être diagnostiqué TDAH qu'un Blanc des beaux quartiers. Le méthylphénidate ne doit pas être un opium utilisé pour cacher les problèmes sociaux! Il existe aussi des enfants originaux qui sont nuls en classe car le système ne leur est pas adapté, des enfants à haut potentiel qui s'ennuient... Les seuils de tolérance baissent. Mais moi, je suis là pour soigner. Pas pour normaliser.